Formation - Niveau 4
Mon lac des cygnes
Et si Pina Bausch revisitait le lac des cygnes?
Sommaire
Séance 1 - Corps de cygnes : les relectures du Lac
Marius Petipa & Lev Ivanov – Le Lac des cygnes, la pureté du cygne
Matthew Bourne - La rébellion des cygnes
Dada Masilo - Le cri des cygnes
Le lac de Mats Ek - Le cygne réinventé
Prejlocaj - Le cygne et la planète
Séance 2 - Mon personnage du lac des cygnes
Séance 3 - À la manière de Pina Bausch – Relations humanité / animalité dans le Lac des cygnes
Duo(s) en miroir – Le prince et le cygne dans les revisites du lac des cygnes
Séance 4 - Duos en mutation : Cygne blanc, Cygne noir et Prince
Séance 5/6/7 - Faire des choix : danser son Lac des cygnes
Séance 8 - Co-évaluation - présenter et questionner son lac des cygnes
Réécritures et transgressions du mythe chorégraphique
Le Lac des cygnes est sans doute l’un des ballets les plus revisités de l’histoire de la danse. De Petipa à Ivanov, de Bourne à Preljocaj, de Mats Ek à Dada Masilo, chaque chorégraphe s’est emparé du chef-d’œuvre de Tchaïkovski pour le transformer, le questionner, le réinventer. Ce cours invite les élèves à plonger au cœur de ces réécritures et à s’interroger sur la manière dont
Pina Bausch, figure majeure de la danse-théâtre, aurait pu, à son tour, revisiter ce mythe.
Entre
langage du corps,
transgression des codes du ballet classique et
exploration sensible de la relation amoureuse, cette séquence permet d’explorer les notions de
dualité, de
mémoire du mouvement et de
poétique du geste.
Séance 1 - Corps de cygnes : les relectures du Lac
Les thèmes du sujet
L’œuvre de Tchaïkovski, chorégraphiée initialement par Petipa et Ivanov en 1895, a donné lieu à de nombreuses reprises et relectures, dont certaines particulièrement marquantes par leur traitement dramaturgique, esthétique ou politique. Le travail sera centré sur les versions de Petipa, Bourne, Preljocaj, Mats Ek et Masilo, et leur traitement du cygne blanc, du cygne noir, du prince et des relations amoureuses, en dialogue avec les procédés de Pina Bausch.
Définition des mots clefs du sujet :
Réécriture : transformation d’un matériau chorégraphique ou narratif préexistant à travers un regard contemporain.
Transgression : franchissement des codes (esthétiques, genrés, émotionnels) du ballet classique.
Dualité : tension entre des figures opposées (cygne blanc / noir, amour / trahison…).
Langage du corps : vocabulaire propre à chaque chorégraphe, dans la qualité du mouvement, le rapport à l’émotion, à l’espace, au contact.
Questionnement
Quelles sont les constantes et les ruptures dans les différentes relectures du Lac des cygnes ?
Quelles qualités du mouvement et partis pris dramaturgiques caractérisent les figures du cygne blanc et du cygne noir ?
Comment les procédés chorégraphiques de Pina Bausch pourraient ils nourrir une réécriture du Lac des cygnes à travers l’exploration de la relation amoureuse, du regard et de la mémoire ?
Problématique
Comment les chorégraphes contemporains se sont-ils emparés du Lac des cygnes pour en proposer des relectures critiques, sensibles ou radicales, et en quoi l’univers de Pina Bausch pourrait-il prolonger ou interroger ces visions ?
1. Analyser les figures du Lac – travail collectif
Observer des extraits vidéo issus des 5 versions suivantes du Lac des cygnes :
Petipa / Ivanov (1895)
Matthew Bourne (1995)
Mats Ek (2002)
Dada Masilo (2010)
Angelin Preljocaj (2020)
Compléter collectivement un tableau comparatif en relevant pour chaque version :
- les qualités du mouvement,
- les traits corporels et techniques,
- le traitement dramaturgique des figures,
- les intuitions émotionnelles dominantes (pardon, trahison, fusion, violence…).
| Marius Petipa & Lev Ivanov – Le Lac des cygnes 1895 | Matthew Bourne – Swan Lake 1995 | Mats Ek – Swan Lake 2002 | Angelin Preljocaj – Le Lac des cygnes 2020 | Dada Masilo – Swan Lake 2010 | |
|---|---|---|---|---|---|
| Corps (technique, segments, langage corporel) | |||||
| Espace (niveaux, orientation, rapport au sol) | |||||
| Temps (rythme, vitesse, contrastes) | |||||
| Flux (continu, saccadé, ruptures) | |||||
| Poids (légèreté, ancrage, suspensions | |||||
| Relation (partenaire, groupe, spectateur) |
2. Improviser à partir des langages dansés
Improviser, seul(e), des courts enchaînements inspirés des 5 esthétiques observées, en te concentrant à chaque fois sur :
- un paramètre du mouvement (flux, tonicité, gravité, suspension…),
- un rôle (cygne blanc / noir / prince),
- une émotion dominante (naïveté, séduction, colère, fuite, désespoir…).
- Explorer différentes qualités de toucher (peau, dos, bras), d’équilibres et déséquilibres, de vitesse et d’intensité.
Noter ou dessiner dans ton carnet les gestes ou dynamiques que tu souhaites réutiliser.
3. Présentation et analyse collective
Par groupe, rédiger un dossier synthétique par version analysée, en vous appuyant sur le tableau collectif.
Chaque dossier doit comporter :
Un titre évocateur
Une brève présentation du chorégraphe et de sa démarche,
Une analyse des figures centrales (cygne blanc, noir, prince) dans leur relation,
Des exemples concrets d’extraits ou de gestes clés,
Une conclusion sur ce que cette version dit du Lac aujourd’hui.
Dossier - Marius Petipa & Lev Ivanov – Le Lac des cygnes, la pureté du cygne
Marius Petipa & Lev Ivanov : le langage classique au prisme des composantes du mouvement
Créée en 1895 au Théâtre Mariinsky de Saint-Pétersbourg, la version du Lac des cygnes par Marius Petipa et Lev Ivanov s’impose comme un sommet du ballet classique. Chorégraphiée sur la musique de Tchaïkovski, elle développe un langage corporel qui repose à la fois sur la codification académique et sur une grande expressivité dramatique. À travers les composantes du mouvement – espace, temps, flux, poids – et l’usage de la pantomime, cette œuvre construit une vision idéalisée du monde, où chaque geste participe à l’élaboration d’un mythe tragique.
1. Espace et temps : géométrie maîtrisée et suspension lyrique
L’espace dansé est organisé selon des lignes claires, précises, symétriques. Le travail des ensembles repose sur des figures géométriques (cercles, diagonales, lignes) qui évoquent l’ordre, la pureté, et l’élégance. La verticalité domine : les corps cherchent l’élévation, l’allongement, l’apesanteur.
Le temps, quant à lui, est modulé selon les personnages. Odette (le cygne blanc) évolue dans un temps suspendu, allongé, presque irréel. Ses gestes sont étirés, liés, enveloppants. Odile (le cygne noir), au contraire, danse sur un tempo rapide, vif, avec des gestes tranchants. Ce contraste temporel met en évidence la tension dramatique entre les deux figures. Le prince, de son côté, se déploie dans un temps médian, ample et lyrique, révélant sa quête d’absolu.
2. Flux et poids : deux approches du corps
Le flux d’Odette est continu, fluide, sans rupture : les bras ondulent avec douceur, les transitions sont soignées, et la danseuse semble glisser sans effort. Ce flux lié traduit la douceur, la fragilité, l’intériorité du personnage. À l’opposé, Odile danse avec un flux saccadé, net, discontinu, accentuant la tension dramatique. Les arrêts sont marqués, les impulsions franches.
Le traitement du poids est essentiel dans cette version : tout semble léger, suspendu. Les danseurs cherchent à gommer les appuis, à donner l’illusion d’un corps aérien. Les portés illustrent cette volonté : la partenaire est élevée sans tension visible, comme portée par le souffle de la musique. Le prince, dans ses solos, enchaîne élévations, sauts, réceptions douces, tout en retenue.
3. La pantomime : un corps narratif et codifié
Au-delà de la danse pure, le ballet classique repose sur l’usage d’une pantomime structurée. Ce langage gestuel permet aux personnages de « parler » avec le corps. Dans le Lac des cygnes, la pantomime est omniprésente dans les actes I et III. Odette mime sa malédiction avec des gestes lents, suspendus, qui renforcent l’intensité émotionnelle. Odile, elle, utilise des gestes plus secs, plus directs, marquant la manipulation et la séduction. Le prince oscille entre gestes d’offrande (main tendue, inclinaison) et expressions de trouble ou de rejet.
Cette pantomime, lisible pour le public initié, donne au corps une fonction narrative essentielle. Elle complète le vocabulaire académique, l’enrichit, et l’oriente vers une dramaturgie claire, lisible et codée.
4. Le temps : lenteur suspendue et accélérations virtuoses
Le temps du Lac des cygnes est d’abord celui de la suspension. Le cygne blanc évolue sur des phrases longues, lentes, étirées, accompagnées de silences corporels. Les ports de bras sont fluides, liés, soutenus par une respiration chorégraphique continue.
À l’inverse, le cygne noir introduit une rupture rythmique : les temps deviennent plus courts, les séquences s’accélèrent. L’exemple emblématique reste les 32 fouettés d’Odile dans le grand pas de deux de l’acte III, qui marquent une montée en puissance technique et dramatique.
Le prince, quant à lui, évolue dans un temps lyrique et régulier, avec des mouvements fluides et enveloppants, qui traduisent l’élan amoureux et l’illusion romantique.
Le Lac des cygnes de Petipa et Ivanov constitue une synthèse exemplaire de l’esthétique classique : l’espace structuré, le temps maîtrisé, le flux nuancé, le poids effacé et la pantomime signifiante construisent un monde poétique, idéalisé, où le corps est à la fois instrument de beauté et vecteur de récit. Cette version continue d’inspirer ou de provoquer les chorégraphes contemporains, précisément parce qu’elle incarne un modèle à déconstruire, à réinterpréter ou à transgresser.
Matthew Bourne - La rébellion des cygnes
Quand le corps masculin renverse les codes du Lac
En 1995, Matthew Bourne signe une relecture radicale du Lac des cygnes, devenue emblématique pour son corps de ballet entièrement masculin, ses enjeux psychologiques profonds et sa critique des normes sociales. S’il conserve l’architecture musicale de Tchaïkovski, Bourne transforme la grammaire du corps et réinvente les relations entre les personnages. L’analyse des composantes du mouvement met en lumière les ressorts expressifs et politiques de cette version iconoclaste.
1. Espace et temps : tension, confinement et explosion
L’espace scénique est marqué par un cloisonnement constant : le prince évolue dans des espaces fermés, contraignants, symboles de son enfermement psychologique et social. Les scènes de cour, rigides et oppressantes, s’opposent à celles du rêve, plus vastes et libératrices.
Le temps chorégraphique suit cette tension dramatique : dans les scènes du palais, les mouvements sont hachés, stricts, cadencés ; ils deviennent fluides, puissants, presque instinctifs lors de la rencontre avec le cygne. Le tempo s’accélère lors des crises ou des hallucinations, renforçant le vertige mental du prince. Les phrases chorégraphiques se succèdent sans linéarité, traduisant la subjectivité du récit.
2. Flux et poids : animalité et sensualité masculine
Le corps des cygnes, ici tous interprétés par des hommes, se déploie avec un flux nerveux, pulsé, fait d’élans soudains, de contractions musculaires, de tensions retenues. Les mouvements évoquent la force contenue, la vigilance, l’instinct. Les bras se contractent, frappent l’air, griffent : le mouvement est brut, charnel, loin de la fluidité romantique.
Le poids est revendiqué : les appuis sont marqués, les descentes au sol violentes, les impulsions lourdes, presque animales. Les portés entre hommes jouent de l’équilibre des forces, de la résistance, plutôt que de l’élévation éthérée. Le poids devient matière expressive, utilisée pour traduire le conflit, la passion, le rejet.
3. Un corps narratif entre rejet et désir
Le corps du prince est fragmenté, vulnérable. Il traduit le désarroi intérieur, le mal-être d’un homme en quête d’amour et d’identité. Les gestes sont petits, repliés, parfois maladroits. En face, le cygne (et son double noir) incarne une masculinité conquérante, charismatique, ambivalente.
La rencontre entre les deux personnages repose sur une chorégraphie du contact : proximité tendue, portés frontaux, appuis partagés. Le duo du prince et du cygne devient une scène d’amour et de lutte, entre confiance et domination.
Bourne utilise peu la pantomime classique : l’expression passe par le regard, les déplacements dans l’espace, les gestes interrompus ou répétés, dans une dramaturgie du non-dit.
La version de Matthew Bourne opère une transformation profonde du langage chorégraphique du Lac des cygnes. En travaillant sur l’espace enfermant, le temps éclaté, le flux tendu et le poids assumé, il offre une vision sombre, sensuelle et engagée de l’œuvre. Le corps masculin, jusque-là exclu des rôles de cygnes, devient ici un terrain de lutte identitaire et affective. Ce basculement esthétiquement et politiquement fort, et reste aujourd’hui l’un des marqueurs les plus puissants de la réinvention contemporaine du ballet classique.
Dada Masilo - Le cri des cygnes
Une réinvention engagée du corps, du genre et de la révolte
Créée en 2010 à Johannesburg, la version du Lac des cygnes de Dada Masilo bouleverse le répertoire en l’inscrivant dans un univers chorégraphique hybride, à la croisée du ballet, de la danse contemporaine et des danses africaines. Dans cette réécriture, la chorégraphe sud-africaine introduit un propos politique fort, traitant de l’homosexualité, de l’exclusion sociale, de la violence de genre. À travers une écriture physique percutante, elle déconstruit les normes du ballet et propose une autre manière de raconter, de danser, et de se battre. L’analyse des composantes du mouvement permet de mesurer à quel point la forme et le fond sont ici indissociables.
1. Le corps : hybridation entre ballet, 1. Espace et temps : frontalité, choc et rythmes éclatés
L’espace est ouvert, frontal, direct. Les danseurs s’adressent au public avec puissance, parfois avec provocation. La construction scénique, dépouillée, met en avant la physicalité des corps, sans illusion. L’espace devient le lieu d’un combat social et politique, un théâtre de dénonciation.
Le temps est morcelé : les séquences alternent entre accélérations vives et pauses théâtrales. Le rythme musical, composé par Philip Miller, mêle percussions africaines, voix humaines, et citations d’Adolphe Adam, créant une scansion complexe, parfois syncopée. Cela influence une temporalité chorégraphique irrégulière, engagée, percutante. L’enchaînement des scènes n’obéit pas à une linéarité narrative, mais à une montée en tension dramatique.
2. Flux et poids : intensité, rupture et radicalité
Le flux est éruptif, explosif. Les gestes sont anguleux, incisifs, percutants. Le corps ne cherche pas la continuité ou la liaison : il exprime par ruptures, par chocs, par oppositions. Les changements de direction sont soudains, les suspensions rares.
Le poids est assumé, ancré, parfois lourd, avec un rapport très présent au sol. Les appuis sont francs, engagés ; les frappes au sol, les torsions du torse ou des hanches, empruntées aux danses traditionnelles sud-africaines, affirment un corps qui résiste, qui revendique. Le saut n’est pas élévation mais projection, souvent brutale.
3. Corps social, corps politique
Le langage corporel de Masilo est un langage du trouble, du brouillage, de la revendication. Le genre est déconstruit : les hommes dansent sur pointes, les femmes mènent l’action, les identités sont instables. Le cygne n’est plus une créature idéalisée, mais une figure blessée, insurgée. La gestuelle du groupe est solidaire, tendue, et chorégraphiquement très dense.
Le duo entre le prince et le cygne devient un acte de résistance, un amour interdit, un affront à l’ordre établi. La danse y est chargée de tensions, d’effroi, de défi. La théâtralité passe par le regard, par la voix, par les silences dansés.
Masilo se détache de la pantomime classique, mais construit un théâtre corporel fondé sur l’énergie du geste, sur l’adresse directe, sur la provocation scénique.
La version de Dada Masilo bouleverse profondément l’héritage du Lac des cygnes, en transformant le corps classique en corps social et militant. L’espace devient lieu de confrontation, le temps un outil de choc, le flux une arme d’expression, et le poids une revendication du réel. À travers cette version, la danse ne se contente plus de raconter une histoire d’amour tragique : elle crie la douleur d’un monde divisé, elle interroge les normes, elle propose un autre regard sur les figures du cygne et du prince. Loin du rêve romantique, Swan Lake devient ici un manifeste.
Le lac de Mats Ek - Le cygne réinventé
Du rêve romantique au réalisme poétique
En 2002, Mats Ek propose une version profondément réinterprétée du Lac des cygnes. Si la musique de Tchaïkovski reste présente, elle est réagencée pour servir une dramaturgie centrée sur la psychologie des personnages, et particulièrement sur celle du prince. Dans cette relecture, le conte romantique laisse place à un récit intime, parfois sombre, où l’amour se mêle à la fragilité mentale, au désir de liberté et au pardon. L’analyse des composantes du mouvement révèle un langage corporel expressif, libéré des codes académiques, ancré dans une physicalité quotidienne mais d’une grande puissance émotionnelle.
1. Espace et temps : intimité et rupture avec la symétrie
L’espace chez Mats Ek est fragmenté, asymétrique, souvent utilisé de manière oblique ou excentrée. Les danseurs ne se disposent pas dans les lignes géométriques du ballet classique, mais investissent des zones irrégulières de la scène, comme pour rompre avec l’ordre établi. Les portés et interactions se déplacent hors du centre, créant une tension visuelle.
Le temps est souvent ralenti pour mettre en valeur l’émotion, puis brusquement accéléré dans des éclats de mouvement. Cette alternance de lenteur et de vivacité traduit les variations d’humeur et les tensions internes des personnages. Les scènes du prince et du cygne blanc privilégient un temps suspendu et tendre, tandis que les moments de conflit (ou de crise psychologique) se caractérisent par des séquences plus courtes et saccadées.
2. Flux et poids : continuité expressive et gravité assumée
Le flux du mouvement est lié mais traversé de ruptures : un geste fluide peut être interrompu par un arrêt net, un déséquilibre, une chute volontaire. Les transitions ne sont pas fondues comme dans le classique, mais mises en évidence, comme pour montrer les failles dans la relation ou l’état d’âme du personnage.
Le poids est assumé, terrien, avec un rapport fréquent au sol. Les danseurs utilisent des appuis francs, des flexions prononcées, des chutes amorties, des portés où le corps soutenu garde une densité visible. Cette présence du poids participe à ancrer l’histoire dans une réalité humaine et émotionnelle, loin de l’apesanteur idéalisée de la version classique.
3. Le corps expressif : gestes du quotidien et poésie brute
Chez Mats Ek, le corps emprunte au geste quotidien (marcher, s’asseoir, se relever, tendre la main) qu’il transforme en geste dansé par l’exagération, la répétition, ou le déplacement dans l’espace. Le langage corporel devient poétique par sa simplicité, et d’autant plus touchant qu’il reste lisible.
Dans le duo final entre le prince et le cygne blanc, l’évolution est marquante : au début, le prince joue avec la naïveté et la douceur de l’autre ; à la fin, il se dépouille de ses artifices – littéralement mis à nu – dans un geste de renaissance et de pardon. La relation est marquée par un contact franc, un toucher authentique, où l’appui et la retenue s’équilibrent. La pantomime classique disparaît au profit d’une expressivité directe, portée par l’engagement physique.
Avec ce Lac des cygnes, Mats Ek opère un déplacement majeur : de l’univers idéalisé du ballet classique vers un réalisme poétique et émotionnel. L’espace devient asymétrique et intime, le temps alterne douceur et éclats, le flux mêle continuité et rupture, le poids se fait tangible. Le corps n’est plus symbole de perfection mais outil d’expression de la vérité humaine. Cette approche ouvre la voie à une lecture plus personnelle et universelle de l’œuvre, où l’amour et le pardon prennent le pas sur la tragédie.
Prejlocaj - Le cygne et la planète
Une fable écologique en mouvement
En 2020, Angelin Prejlocaj revisite Le Lac des cygnes avec le Ballet Preljocaj et l’Opéra national de Bordeaux. Fidèle à la trame du conte, il y injecte un propos écologique fort : le lac devient un territoire menacé, métaphore de la planète en péril. La musique de Tchaïkovski est préservée dans ses moments emblématiques, mais alterne avec des réarrangements contemporains, parfois teintés d’électro ou de pulsations techno. Cette hybridation sonore, entre lyrisme romantique et battement urbain, modifie profondément la lecture chorégraphique et l’énergie des corps.
1. Espace et temps : nature ouverte, territoire qui se resserre
Les scènes portées par la musique originale de Tchaïkovski s’ouvrent sur un espace vaste, fluide, aérien : diagonales déployées, grands portés, formations circulaires évoquant un environnement harmonieux. Progressivement, l’espace se réduit : les danseurs se rapprochent, les trajectoires se heurtent, les lignes se brisent, traduisant l’érosion des territoires naturels.
Le temps suit cette évolution : la lenteur et la suspension des passages romantiques cèdent la place à des pulsations rapides, parfois régulières comme un battement cardiaque, parfois syncopées. Les séquences électro/techno imposent un rythme plus mécanique, presque oppressant, traduisant la pression exercée sur l’écosystème.
2. Flux et poids : fluidité organique, tension mécanique
Sous la musique orchestrale, le flux est continu, liquide, ample : bras ondulants, transitions fondues, déplacements doux. L’univers musical techno introduit au contraire un flux plus segmenté : arrêts nets, reprises impulsives, gestes angulaires. Cette alternance crée un va-et-vient constant entre poésie naturelle et tension artificielle.
Le poids suit la même logique : léger et aérien dans les passages lyriques, il devient plus ancré et dense dès que la musique se charge de pulsations électroniques. Les appuis au sol sont plus fermes, les descentes plus abruptes, les portés plus abruptement relâchés, comme si la gravité se faisait soudain pesante.
3. Corps et musique : une tension narrative
La cohabitation entre Tchaïkovski et une base sonore techno crée une dramaturgie contrastée. Les duos entre le prince et le cygne blanc restent liés à la musique romantique, privilégiant l’élan et la douceur, tandis que les ensembles dans les passages électro incarnent la menace, l’urgence, le déséquilibre écologique.
Le corps des danseurs répond directement à ces textures musicales : la pulsation électronique induit des rebonds secs, des contractions, des impacts corporels plus francs ; la partition orchestrale favorise les envolées, les portés suspendus, la rondeur des bras. Ce jeu entre deux mondes musicaux traduit la bascule entre un passé harmonieux et un présent en crise.
Dans ce Lac des cygnes, Angelin Preljocaj fait dialoguer deux univers musicaux – le lyrisme romantique de Tchaïkovski et la mécanique hypnotique d’une musique techno – pour soutenir un propos écologique. L’espace, le temps, le flux et le poids des danseurs se modifient au gré de ces tensions sonores, créant un spectacle où la beauté fragile de la nature affronte l’agressivité d’un monde en mutation. La danse devient alors une alerte poétique, un cri visuel et sonore pour la planète.
Séance 2 - Mon personnage du lac des cygnes
Les caractéristiques des personnages du cygne blanc et du cygne noir
Situation 1 : Lecture et repérage
Objectif : comparer les qualités de corps du cygne blanc et du cygne noir dans 5 relectures du Lac des cygnes pour nourrir un solo de 1 min. Appui principal : textes issus des intentions chorégraphiques (synthétisés ci‑dessous) + observation d’extraits ciblés.
Lire les 5 textes supports.
Surligner, pour blanc et pour noir, les mots décrivant : posture / dynamique / regard / rapport au sol / type de contact / ambiance musicale.
Compléter ta fiche‑mots‑clés (4 à 6 mots par figure).
Choisir l’une des deux figures (blanc ou noir) et une version (un chorégraphe) qui t’inspire.
1) Petipa & Ivanov (1895)
« Dans la tradition classique, le cygne blanc (Odette) est un corps vertical et suspendu. Les bras, souples et continus, dessinent un plumage respiré ; les mains s’assouplissent, l’épaulement épouse la ligne, le regard légèrement baissé porte une mélancolie douce. Le flux est continu, le poids allégé, l’appui discret : une apesanteur poétique portée par l’adagio de Tchaïkovski.
Le cygne noir (Odile) renverse ce pacte : virtuosité tranchante, positions nettes, équilibres affichés, tours rapides ; les bras s’ouvrent en lignes franches, le regard frontal s’affirme. Le poids se projette vers l’avant, la vitesse s’accroît, la pantomime devient séduction calculée. Le contraste dramatique se lit dans le corps : continuité éthérée (blanc) vs éclat incisif (noir). »
2) Matthew Bourne (1995)
« Ici, le cygne blanc n’est pas une femme éthérée mais un homme sauvage : torse ouvert, dorsales actives comme des ailes, appuis puissants, respiration audible ; l’homo‑érotisme irrigue le duo avec le prince : portés enveloppants, étreintes sincères, chaleur musculaire. Le geste appelle l’abandon, la protection, une sensualité terrienne.
Le cygne noir (Stranger), interprété par le même danseur, aimante et défie : séduction frontale, port de tête haut, regards directs prolongés ; gestes incisifs, hanches en avant, ancrage lourd, silences tendus. La danse devient duel : frôlements, résistances, tests de force. Le contraste blanc/noir passe par la qualité d’étreinte (accueillir vs dominer) et par la gestion du poids (porter vs imposer). »
3) Mats Ek (2002)
« Chez Ek, le cygne blanc est une figure terrienne : genoux fléchis, ancrage au sol, bras parfois anguleux, gestes du quotidien transfigurés ; le torse s’incline pour écouter le monde. La grâce naît d’une poésie brute et vulnérable.
Le cygne noir s’incarne dans une physicalité heurtée : ruptures nettes, arrêts brusques, tensions visibles dans épaules et dos, désarticulation assumée. L’enjeu n’est pas la coquetterie mais la tension émotionnelle : un corps qui résiste aux normes. Musique et silence accentuent ces bascules, révélant un flux alterné (lié / rompu) et un poids assumé. »
4) Dada Masilo (2010)
« Le cygne blanc est blessé mais lucide : flux fluide, hanches souples, gestes arrondis qui enveloppent ; regards tenus et proximité créent une intimité assumée, souvent en duos masculins — une relecture où le désir ne se cache plus.
Le cygne noir revendique une identité libre et provocatrice : rythmes pulsés, frappes au sol, flexions ancrées, bras coupants, buste avancé ; cris / souffles, polyrythmie et percussions africaines (avec Philip Miller) soutiennent une danse politique. Blanc = communauté qui soigne ; Noir = communauté qui confronte. Le contraste s’entend et se voit : fluidité empathique vs attaque rituelle. »
5) Angelin Preljocaj (2020)
« Dans cette fable écologique, le cygne blanc porte la mémoire d’un monde fragile : mouvement ample, circulaire, poids léger, bras enveloppants qui protègent un territoire ; la musique de Tchaïkovski (réagencée) ouvre un temps respiré.
Le cygne noir incarne la rupture : appuis lourds, lignes droites qui brisent les courbes, changements brusques, flux interrompu ; l’hybridation sonore (passages électro/techno) impose une pulsion mécanique et une urgence. Dualité lisible : harmonie organique (blanc) vs tension anthropique (noir). »
| Mon lac des cygnes | |
|---|---|
| Choisi l’une des phrases et justifie ta réponse | |
| Analyse de la phrase choisie - Mots clefs Brain storming | |
| Comment vais-je traiter ces idées par le corps, l’espace, le temps et le flux dans mon solo? | |
| Analyse du groupe de mon solo et recyclage par le groupe de nos travaux individuels |
Situation 2 : Improvisation et composition
Improviser deux soli (20–30 s chacune) à partir de tes mots‑clés :
Cygne blanc d’un acte « lyrique » (I/II) ; 2) Cygne noir d’un acte « conflictuel » (III/IV).
Sélectionner un solo et l’étendre en solo de 1 min.
Définir précisément : Espace / Temps / Flux / Poids, 1 motif‑repère (geste signature), et une matière sonore cohérente (Tchaïkovski, percussions/électro, silence).
Situation 3 : Partage et retours
Présenter le solo sans révéler la couleur du cygne ni la version.
Faire deviner la la couleur du cygne et la version ; écouter les justifications fondées sur les qualités observées.
Noter 2 axes d’affinage (qualité de corps + clarté du motif).
Astuce élève :
Sélectionner 3–4 mots‑moteurs de ta ligne (ex. « bras enveloppants / tempo pulsé / appui lourd / regard frontal ») et construire son solo à partir d’eux
| Cygne blanc – Qualités de corps | Cygne noir – Qualités de corps | |
|---|---|---|
| Petipa & Ivanov | Vertical, suspendu, bras souples, regard baissé, épaulement | Positions nettes, vitesse, regard frontal, virtuosité |
| Matthew Bourne | Puissance animale, torse ouvert, appuis forts, étreinte chaleureuse | Séduction frontale, gestes incisifs, défi, ancrage lourd |
| Mats Ek | Ancrage, genoux fléchis, gestes quotidiens transfigurés | Ruptures, arrêts, tensions épaules/dos, désarticulation |
| Dada Masilo | Fluidité blessée, hanches souples, intimité queer | Pulsations, frappes, bras coupants, provocation |
| Angelin Preljocaj | Ample, circulaire, enveloppant, léger | Lignes droites, coupures, urgence |
Séance 3 - À la manière de Pina Bausch – Relations humanité / animalité dans le Lac des cygnes
Les caractéristiques des chorégraphies de Pina Bausch
Situation 1 : Lecture et repérage
Objectif : Comprendre comment Pina Bausch traite les relations hommes/femmes et la physicalité des rapports humains dans ses œuvres.
Repérer des procédés transposables à l’univers du Lac des cygnes.
Expérimenter la déambulation, la transposition et la répétition à partir de matériaux observés.
Visionner des extraits choisis des chorégraphies de Pina Bausch:
Kontakthof – Pina Bausch – 1978
Les Rêves dansants, sur les pas de Pina Bausch – Film documentaire d’Anne Linsel et Rainer Hoffmann – 2010
Café Müller – Pina Bausch – 1978
Pina – Film documentaire de Wim Wenders – 2011
Vollmond (Pleine Lune) – Pina Bausch – 2006
Der Fensterputzer (Fall Dance / The Window Washer) – Pina Bausch – 1997
Necken – Pina Bausch – 2002
Un jour Pina m’a dit… – Film documentaire de Chantal Akerman – 1983
Repérer :
Types de contacts (frontal, latéral, dos à dos, portés, frôlements).
Utilisation de l’espace (marche, dispersion, resserrement).
Répétition et accumulation.
Mélange du quotidien et du stylisé.
Compléter un tableau de repérage indiquant pour chaque extrait :
Procédé
Effet produit
Idée de transposition pour le Lac des cygnes.
Identifier, dans les relations observées chez Pina Bausch, celles qui peuvent résonner avec les interactions prince/cygne blanc ou prince/cygne noir vues en séance 2.
Noter les qualités de mouvement, types de contact ou d’attitudes qui pourraient enrichir votre interprétation de ces duos.
| Procédé chorégraphique repéré (type de contact, utilisation de l’espace, répétition, mélange quotidien/stylisé…) | Effet produit (émotion, tension, humour, intimité…) | Idée de transposition pour Le Lac des cygnes (interaction prince/cygne blanc ou prince/cygne noir) | |
|---|---|---|---|
| Kontakthof | |||
| Les Rêves dansants | |||
| Café Müller | |||
| Pina (film) | |||
| Vollmond | |||
| Der Fensterputzer (Fall Dance) | |||
| Necken | |||
| Un jour Pina m’a dit… |
Situation 2 : Déambulation et transposition
Consigne :
Construire 5 gestes représentant des relations homme/femme, inspirés des observations.
Chaque geste dure 8 temps.
Les enchaîner en marchant librement dans l’espace, comme dans Kontakthof ou Les Rêves dansants.
Choisir ensuite un geste ou une séquence et le transposer :
Changer l’échelle (minuscule / ample).
Modifier l’espace (au sol / en hauteur / en contact).
Altérer la qualité (fluide → haché, tendu → relâché).
Intégrer à votre déambulation au moins un geste ou contact inspiré de la relation prince/cygne travaillée en séance 2.
Situation 3 : Composition et présentation
Consigne :
Créer une courte séquence de 3 gestes.
La répéter au moins 8 fois :
Jouer sur la dynamique (accéléré / ralenti).
Modifier le contact (avec / sans).
Changer la direction dans l’espace.
Observer comment la répétition transforme le sens (comme dans Café Müller ou certaines scènes du film Pina).
Choisir une courte séquence inspirée de votre duo ou de votre solo du Lac des cygnes (travail de séance 2).
La répéter en appliquant les variations de rythme, de flux ou d’espace utilisées par Pina Bausch, pour en révéler de nouvelles dimensions émotionnelles.
Situation 4 – Composition chorégraphique
Consigne :
Composer, en binôme, une courte séquence chorégraphique (1 min 30 à 2 min) en intégrant :
Au moins un procédé observé dans les œuvres de Pina Bausch (Kontakthof, Les Rêves dansants, Café Müller, Pina).
Une qualité de mouvement et un type de contact issus de votre travail sur le Lac des cygnes en séance 2 (relation prince/cygne blanc ou prince/cygne noir).
Un enchaînement mêlant marche/déambulation, transposition et répétition.
Travailler la progression émotionnelle de la séquence (intensité, distance, rythme) pour qu’elle raconte un rapport humain clair et sensible.
Noter vos choix et justifications dans votre carnet de création.
Duo(s) en miroir – Le prince et le cygne dans les revisites du lac des cygnes
Entre passion, conflit et métamorphose : l’évolution du duo prince/cygne blanc et prince/cygne noir
Le Lac des cygnes est avant tout l’histoire d’un lien, construit et déconstruit par les rencontres successives du prince avec deux figures opposées : le cygne blanc (Odette) et le cygne noir (Odile). Ces duos, qui structurent l’arc narratif, se déclinent différemment selon les chorégraphes. Du romantisme poétique de Petipa & Ivanov à la réinterprétation queer de Matthew Bourne, des ancrages terriens de Mats Ek à l’énergie pulsée de Dada Masilo, jusqu’à la fable écologique d’Angelin Preljocaj, la relation évolue non seulement au fil des actes, mais aussi en fonction des choix stylistiques et dramaturgiques. Cette analyse se penche sur cinq lectures, en observant comment la rencontre, la séduction, la trahison et l’issue finale se matérialisent dans le corps et l’espace.
1. Petipa & Ivanov – Le modèle romantique
Dans cette version classique (1895), l’acte II propose un duo prince/cygne blanc dominé par l’adagio : les portés sont amples et suspendus, le regard du prince se fixe sur Odette avec un mélange d’émerveillement et de respect. La pantomime traduit la promesse d’amour éternel, avec des gestes codifiés (main sur le cœur, bras ouverts). Le corps du prince agit comme un socle stable, portant un cygne blanc léger et aérien.
À l’acte III, le duo avec Odile est un jeu de séduction trompeuse. Les portés deviennent démonstratifs, les variations de vitesse plus marquées ; le prince se laisse éblouir par la virtuosité d’Odile (tours rapides, attaques franches). La complicité du blanc se transforme en fascination physique pour le noir, scellant la trahison.
À l’acte IV, le duo avec Odette est teinté de désespoir : gestes ralentis, poids accentué, regards fuyants. La perte de confiance se traduit dans l’espace : les corps s’approchent moins, les portés sont plus courts.
2. Matthew Bourne – De l’amour protecteur au duel masculin
Chez Bourne (1995), le cygne blanc est un homme sauvage : dans le duo de l’acte du lac, le prince se laisse guider, porté, enveloppé par le cygne. Les contacts sont charnels et protecteurs, les torses se collent, la respiration est visible. Le rapport est réciproque : le prince n’est pas seulement porteur, il est aussi porté.
Dans la scène avec le cygne noir (The Stranger), l’énergie change radicalement. Le duo devient une joute physique : gestes incisifs, regards défiants, résistances dans les portés. Le cygne noir impose une domination, forçant le prince à reculer ou à céder.
Cette opposition blanc/noir n’est pas qu’esthétique : elle met en jeu la tension entre désir sincère et séduction toxique, traduite par la gestion du poids (partagé vs imposé) et par la proximité (embrassante vs menaçante).
3. Mats Ek – De la naïveté à la rédemption
Dans la lecture de Mats Ek (2002), le duo prince/cygne blanc au début du ballet se teinte de naïveté : le prince joue avec Odette, la taquine, l’attire dans des gestes simples, proches du quotidien. Les contacts sont courts, le corps reste ancré au sol.
À l’acte II, la relation bascule : après la trahison, Odette choisit de pardonner. Les portés deviennent plus amples, le contact plus long, comme pour réparer la distance.
La fin marque une renaissance symbolisée par le prince nu, lavé de ses erreurs, prêt à recommencer.
Le cygne noir chez Ek n’est pas un être séducteur flamboyant, mais une figure tendue et heurtée, introduisant un conflit de postures plus qu’un jeu de charme. Les duos avec cette figure sont marqués par des ruptures, des arrêts et des résistances physiques.
4. Dada Masilo – Entre intimité queer et confrontation rituelle
La version de Dada Masilo (2010) place la question du genre et de l’identité au cœur de la relation. Le cygne blanc est fragile mais conscient : le duo avec le prince est intime, proche, presque communautaire. Les gestes enveloppent, la respiration est partagée, et certains duos sont dansés entre hommes, accentuant la lecture queer et politique.
Le cygne noir, au contraire, est provocateur et frontal : le duo devient un espace de défi, porté par une rythmique pulsée et des frappes au sol.
Les portés sont rapides, parfois interrompus, et la danse s’imprègne des percussions africaines.
Chez Masilo, l’opposition blanc/noir dépasse la narration classique pour devenir un dialogue entre réparation et confrontation, toujours incarné dans une danse engagée.
5. Angelin Preljocaj – Harmonie organique et tension mécanique
Dans la fable écologique de Preljocaj (2020), le duo avec le cygne blanc se déploie dans des mouvements amples, enveloppants, presque circulaires. Le prince agit comme un partenaire attentif, soutenant un corps léger, en harmonie avec un espace « naturel » symbolique.
Le duo avec le cygne noir introduit des lignes droites, des contacts plus secs, des portés interrompus. La présence d’une pulsion électro dans la musique modifie la qualité : urgence, accélérations, poids lourd. L’opposition est ici organique vs mécanique, traduisant la tension entre préservation et destruction.
Ces cinq versions offrent un large spectre d’interprétations du duo prince/cygne blanc et prince/cygne noir. Du romantisme suspendu au duel physique, de l’intimité politique à la métaphore écologique, la relation évolue dans le corps, l’espace et la musique. Ces nuances offrent aux interprètes un matériau riche pour interroger, dans leur propre création, la place de la tendresse, du conflit, du pardon ou de la domination au sein d’un duo.
Gestes, espace et humanité : une traversée de quatre œuvres
À la manière de Pina Bausch
Pina Bausch, figure majeure du Tanztheater, a profondément transformé le regard sur la danse en y intégrant une dimension théâtrale, intime et souvent dérangeante. Ses œuvres interrogent les relations humaines dans toute leur complexité, entre tendresse, cruauté, humour et mélancolie. Qu’il s’agisse de marches rituelles, de gestes quotidiens détournés ou de portés interminables, son langage scénique repose sur la répétition, la juxtaposition et le mélange du trivial et du poétique. À travers Kontakthof, Les Rêves dansants, Café Müller et le film Pina, se dessine une approche du corps comme révélateur des tensions et désirs humains.
1. Kontakthof – Le rituel social en mouvement
Créé en 1978, Kontakthof met en scène un groupe d’hommes et de femmes dans un espace évoquant une salle de bal. Les interprètes, vêtus de costumes formels, s’adonnent à des gestes codifiés – lissage des cheveux, ajustement des vêtements, salutations – répétés jusqu’à l’absurde.
La marche y est centrale : les danseurs avancent, reculent, se croisent, dessinant une cartographie relationnelle mouvante. La répétition et l’accumulation transforment ces gestes ordinaires en révélateurs de tensions latentes: séduction maladroite, domination, rejet.
L’espace est frontal, la dynamique souvent régulière, mais ponctuée d’accélérations soudaines qui cassent la ritualisation et exposent la fragilité des relations.
2. Les Rêves dansants – La sincérité comme moteur
Ce film documentaire (2010) suit des adolescents préparant Kontakthof sous la direction de Pina Bausch et de ses danseurs. Ici, les mêmes gestes prennent une autre dimension : maladresses, hésitations, rires nerveux traduisent une vérité brute.
Le corps des interprètes est moins maîtrisé techniquement, mais habité d’une intensité émotionnelle rare. Les regards, souvent plus éloquents que les gestes eux-mêmes, deviennent moteurs de l’action.
Cette version met en lumière la capacité de Bausch à adapter son écriture gestuelle à l’identité de ses interprètes, révélant leur vulnérabilité et leur authenticité. L’espace est toujours structuré par la marche, mais les distances interpersonnelles traduisent les affinités et les tensions propres au groupe.


3. Café Müller – L’abandon et l’entrave
Créé en 1978, Café Müller est une œuvre autobiographique dans laquelle Pina Bausch elle-même a dansé. Les interprètes évoluent dans un espace encombré de chaises et de tables, souvent les yeux fermés.
Le contact y est omniprésent : portés prolongés, chutes rattrapées de justesse, corps qui se frôlent ou s’entrechoquent. La répétition de séquences – par exemple, un danseur déplaçant frénétiquement les obstacles pour libérer le chemin d’une partenaire – crée une tension presque insoutenable.
Le flux de mouvement alterne entre fluidité et saccades, et la gestion du poids devient essentielle : le corps abandonné se confie totalement au partenaire, matérialisant confiance et dépendance. Le silence ou la lenteur extrême renforcent l’atmosphère introspective.
4. Pina (film) – L’espace élargi
Réalisé par Wim Wenders en 2011, le film Pina rend hommage à l’univers de Bausch à travers des extraits d’œuvres et des témoignages. On y retrouve les procédés chers à la chorégraphe, mais transposés dans des environnements inhabituels : carrières de sable, rues, tramways.
L’espace scénique est ainsi démultiplié : les gestes quotidiens, les courses, les portés sont confrontés à des éléments naturels ou urbains, donnant une autre texture à l’action.
Le montage juxtapose des scènes lentes et des explosions de mouvement, créant un rythme cinématographique qui met en relief la poésie et la physicalité de son langage. Le corps dialogue non seulement avec d’autres corps, mais aussi avec l’environnement, révélant une dimension presque chorégraphique de l’espace lui-même.
5. Vollmond
Dans Vollmond, Pina Bausch poursuit son exploration des relations homme/femme à travers un espace scénique dominé par deux éléments : un immense rocher et un bassin d’eau. L’eau, omniprésente, devient un catalyseur des tensions et des rapprochements entre les interprètes. Les corps s’attirent, se repoussent, se cherchent dans un jeu constant entre séduction et affrontement.
Les gestes quotidiens – marcher, courir, éclabousser, se mouiller les cheveux – se transforment en gestes chorégraphiques, révélant à la fois la légèreté du flirt et la brutalité des conflits. L’eau agit comme un révélateur : elle rend les corps vulnérables, alourdit les vêtements, ralentit les mouvements ou les précipite dans des glissades imprévisibles. Ces contraintes physiques nourrissent la dramaturgie des relations, créant des instants d’abandon tendre (portés fluides, caresses, soutien dans l’eau) suivis de moments de rupture sèche (chute sur la roche, projection dans le bassin).
Le couple, chez Pina Bausch, n’est jamais figé dans un rôle unique : il oscille entre passion et lassitude, fusion et rejet. Dans Vollmond, cette instabilité est accentuée par la présence de l’eau, qui devient métaphore des sentiments – tantôt apaisants, tantôt tumultueux – et par l’usage d’actions répétées qui amplifient la tension dramatique. Les relations homme/femme se lisent alors comme un cycle : attraction, jeu, conflit, réconciliation, à l’image du flux et reflux de l’eau qui rythme la pièce.
L’étude de l’œuvre de Pina Bausch révèle une artiste qui a profondément transformé la scène chorégraphique en fusionnant danse et théâtre, en intégrant le geste quotidien et en plaçant les relations humaines au cœur de ses créations. Qu’il s’agisse des rituels sociaux de Kontakthof, de la sincérité adolescente des Rêves dansants, de la fragilité physique de Café Müller ou de la sensualité chaotique de Vollmond, son travail met en lumière les multiples visages des rapports homme/femme.
Bausch ne cherche pas à idéaliser la relation amoureuse : elle en expose les contradictions, les tensions, la tendresse et parfois la cruauté. Ses procédés – répétition, variation d’échelle, juxtaposition d’images – traduisent la complexité des émotions humaines et permettent aux interprètes de créer un langage corporel riche et singulier.
En offrant au spectateur des tableaux où la beauté côtoie la vulnérabilité, Pina Bausch nous invite à regarder autrement nos propres rapports aux autres. Son œuvre, empreinte de poésie et de lucidité, reste un repère majeur pour comprendre comment la danse peut devenir un miroir des relations humaines.
Séance 4 - Duos en mutation : Cygne blanc, Cygne noir et Prince
Le duo prince/cygne blanc ou noir
Situation 1 : Lecture et repérage
Objectif : Analyser l’évolution de la relation prince/cygne au fil des actes, en lien avec les qualités corporelles blanc/noir.
Mettre en cohérence cette évolution avec des procédés relationnels inspirés de Pina Bausch.
Construire un duo qui traduise un contraste physique et une dynamique dramatique.
Consigne :
Reprendre les mêmes extraits que ceux étudiés en séance 2 (duos prince/cygne blanc et prince/cygne noir dans les versions Petipa/Ivanov, Bourne, Masilo, Preljocaj, Mats Ek).
Pour chaque extrait, identifier :
Les qualités corporelles dominantes (blanc ou noir).
Le moment de la chorégraphie (acte, situation dramatique).
Les procédés relationnels inspirés de Pina Bausch observables ou transposables (répétition, portés entravés, frôlements, détournement de gestes quotidiens…).
Compléter le tableau d’analyse croisée fourni.
| Qualités corporelles dominantes (blanc ou noir) | Moment du duo (acte, situation dramaturgique) | Procédés relationnels inspirés de Pina Bausch (contact, gestes, répétition, détournement…) | |
|---|---|---|---|
| Petipa & Ivanov | |||
| Matthew Bourne | |||
| Mats Ek | |||
| Dada Masilo | |||
| Angelin Preljocaj |
Situation 2 : Improvisation dirigée
Consigne :
Par binômes, improviser un duo inspiré d’un moment précis de l’intrigue (ex. début acte 2, fin acte 3) choisi à partir des extraits visionnés.
Choisir un état corporel initial (blanc ou noir).
Introduire progressivement les qualités de l’autre cygne.
Intégrer au moins un procédé relationnel repéré ou transposable depuis Pina Bausch.
Alterner moments de proximité et de séparation pour rendre visible l’évolution de la relation.
Situation 3 : Composition structurée
Consigne :
Composer un duo de 1 min 30 structuré en trois parties :
Installation d’une relation claire (acte choisi, blanc ou noir).
Transformation de la relation par un glissement vers l’autre état corporel (noir vers blanc ou inverse).
Conclusion ouverte ou fermée (réconciliation, rupture, pardon…).
S’appuyer sur au moins deux procédés relationnels inspirés de Pina Bausch.
Justifier dans une note d’intention les choix corporels, dramaturgiques et musicaux.
Guide note d’intention
| Mon Lac des cygnes | |
|---|---|
| Quel moment précis du Lac des cygnes avez-vous choisi de représenter (acte, scène) et pourquoi ? | |
| Comment avez-vous traduit corporellement les qualités du cygne blanc et/ou du cygne noir dans votre duo ? (donnez des exemples précis de mouvements ou d’attitudes) | |
| Quels procédés relationnels inspirés de Pina Bausch avez-vous intégrés ? (expliquez leur rôle dans l’évolution de la relation) | |
| Quelle dynamique relationnelle avez-vous voulu transmettre entre le prince et le cygne ? (séduction, trahison, pardon, domination, etc.) | |
| En quoi votre interprétation se rapproche ou s’éloigne des versions visionnées en cours ? (justifiez vos choix artistiques) |
Séance 5/6/7 - Faire des choix : danser son Lac des cygnes
Mon lac des cygnes
Situation 1 : Lecture et repérage
Objectif : Identifier un axe de travail personnel (solo ou duo), et le contextualiser dans l’œuvre et son esthétique.
Explorer les premiers matériaux par l’improvisation.
Construire les critères d’évaluation en tant qu’interprète, chorégraphe et spectateur, en lien avec les compétences travaillées depuis le début de la séquence.
Consigne :
Choisir ce que tu souhaites danser pour la création finale :
Un solo du cygne blanc
Un solo du cygne noir
Un duo Prince / Cygne blanc ou Prince / Cygne noir
Identifier :
Le moment précis de l’œuvre (acte I, II, III ou IV, début ou fin)
La version chorégraphique de référence (Petipa/Ivanov, Matthew Bourne, Dada Masilo, Angelin Preljocaj, Mats Ek)
Les caractéristiques de ton personnage ou duo : qualités de mouvement, types de contact, relation à l’espace, rapport émotionnel
Expliquer ton intention artistique et narrative.
Outils : fiches-références, dossiers d’analyses, vidéos d’extraits, tableau comparatif à compléter.
Situation 2 – Improviser et structurer
Consignes :
À partir de ton choix, improviser sur des matériaux en cohérence avec l’esthétique et l’intention choisies.
Explorer :
Mouvements représentatifs du cygne blanc et/ou du cygne noir selon ton choix
Procédés relationnels ou gestuels repérés chez Pina Bausch (si duo)
Différentes qualités dynamiques et corporelles
Définir ton espace de jeu (niveaux, trajectoires, zones de l’espace scénique)
Faire un premier repérage musical ou travailler sur le silence
Commencer à structurer une courte séquence chorégraphique (30 sec à 1 min)
Outils : espace libre, musiques issues des versions étudiées, carnet de création.
Situation 3 – Construire les critères d’évaluation
Consignes :
En groupe, définir les critères d’évaluation pour : Danseur interprète, chorégraphe, spectateur/observateur
Ces critères doivent :
Être en lien avec les compétences travaillées lors des 5 premières séances (analyse des versions, improvisation, composition, procédés relationnels, contrastes blanc/noir)
S’appuyer sur les composantes du mouvement, l’engagement corporel, la cohérence esthétique, la compréhension des œuvres, et la capacité à formuler un point de vue.
Outils : tableau à compléter en classe, grille à construire à partir des AFL du programme de spécialité danse.
| Ma note d'intention | |
|---|---|
| 1. Titre et rôle choisi | Indiquer clairement le titre de votre création et le rôle que vous interprétez : Solo cygne blanc Solo cygne noir Duo prince/cygne blanc Duo prince/cygne noir |
| 2. La problématique abordée | Formuler la question ou le fil conducteur de votre création : Quelle relation mettez-vous en lumière ? Quel contraste blanc/noir explorez-vous ? À quel moment de l’intrigue vous situez-vous ? |
| 3. Choix dramaturgiques et corporels | Décrire les qualités de mouvement, types de contact, utilisation de l’espace et de la musique : Cygne blanc : douceur, fluidité, élévation… Cygne noir : puissance, tension, ruptures… |
| 4. Les artistes ayant abordé ce sujet | Préciser les versions du Lac des cygnes qui vous ont inspiré : Petipa/Ivanov, Bourne, Masilo, Preljocaj, Mats Ek Procédés ou esthétiques retenus |
| 5. Influence de Pina Bausch | Indiquer quels procédés relationnels inspirés de Pina Bausch sont intégrés : Répétition, accumulation, portés entravés, gestes du quotidien stylisés… |
| 6. Démarche de création | Expliquer les étapes de votre travail : improvisations, choix musicaux, structuration des parties… |
| 7. Intention émotionnelle et message | Préciser l’effet que vous souhaitez produire sur le spectateur et la lecture que vous proposez du duo ou du solo choisi. |
| 8. Les consignes de création fixées | Précise ici les choix formels de composition : Organisation spatiale, durée, structure (début / rupture / fin), Travail musical, rapport au silence, types de contacts. |
| 9. Mon analyse de la création | Fais un retour critique sur ta propre création : Ce qui fonctionne selon toi, Ce que tu as encore à travailler, Ce que tu as appris sur toi, ton corps, ton regard artistique à travers cette expérience. |
Séance 8 - Co-évaluation - présenter et questionner son lac des cygnes
Objectifs :
Présenter sa création dansée finalisée devant le groupe.
Mettre en œuvre une autoévaluation et une coévaluation constructive.
Mobiliser ses capacités de spectateur critique, en lien avec les critères définis collectivement.
Consolider les compétences en interprétation, composition, et analyse.
1. Présentation dansée individuelle ou en duo
Chaque élève ou binôme présente sa création
Consignes :
Présenter la version chorégraphique de référence choisie.
Rappeler brièvement son intention artistique (tirée de la note d’intention).
Interpréter la création sans interruption (durée : 1 à 2 minutes).
2. Évaluation croisée (élève / groupe)
Consignes pour l’élève danseur :
Remplir sa grille d’autoévaluation à partir des critères définis en S5.
Répondre à la question : Qu’ai-je réussi à faire passer ?
Consignes pour les spectateurs :
Observer en s’appuyant sur les axes chorégraphie / interprétation / réception.
Noter 1 point fort + 1 suggestion d’amélioration.
Cocher le niveau de maîtrise atteint pour les quatre premiers axes de la grille.
Retour collectif et verbalisation
Temps d’échange collectif pour identifier les éléments de progression communs :
Qu’est-ce qui a bien fonctionné dans les différentes propositions ?
Quels gestes ou partis pris étaient particulièrement lisibles, originaux, sensibles ?
Quels axes de travail apparaissent prioritaires pour progresser ?
Critères d’évaluation
1.Interpréter avec engagement une partition dansée cohérente /4
Degré 1
Mouvement hésitant, intention peu lisible
Degré 2
Intention émergente, gestuelle parfois cohérente
Degré 3
Présence engagée, gestes lisibles et habités
Degré 4
Haute expressivité, nuances fines et engagement corporel affirmé
2.Mobiliser les composantes du mouvement au service de l’interprétation/4
Degré 1
Paramètres peu différenciés
Degré 2
Quelques variations dynamiques repérables
Degré 3
Bonne gestion de l’espace, du temps et de l’énergie
Degré 4
Usage précis, expressif et intentionné des composantes
3.Construire une séquence dansée avec intention et structure/4
Degré 1
Enchaînements peu lisibles ou linéaires
Degré 2
Structure identifiable mais inégalement maîtrisée
Degré 3
Construction claire et intention bien affirmée
Degré 4
Composition inventive, cohérente et maîtrisée
4.Réinvestir une esthétique chorégraphique étudiée/4
Degré 1
Références peu reconnaissables
Degré 2
Quelques éléments évoquant une esthétique connue
Degré 3
Référence identifiable et intentionnelle
Degré 4
Réappropriation singulière et expressive
5.Décrire et analyser un extrait dansé/2
Degré 1
Description partielle ou confuse
Degré 2
Observations simples mais pertinentes
Degré 3
Analyse structurée avec vocabulaire adapté
Degré 4
Analyse approfondie, nuancée et critique
6.Porter un regard critique argumenté sur une proposition chorégraphique/2
Degré 1
Jugement émotionnel non argumenté
Degré 2
Avis justifié avec quelques critères simples
Degré 3
Critique construite, articulée aux choix artistiques
Degré 4
Argumentation fine, prise de recul esthétique et historique
| Un point fort | Un axe d’amélioration | |
|---|---|---|
| Feedback – Chorégraphie 1 | ||
| Feedback – Chorégraphie 2 | ||
| Feedback – Chorégraphie 3 | ||
| Feedback – Chorégraphie 4 | ||
| Feedback – Chorégraphie 5 | ||
| Feedback – Chorégraphie 6 |



















